Ne m'dites pas qu'à ma place A mon âge et à l'heure qu'il est A l'heure du marchand de lait Je me lève et je la remplace. Nous sommes d'un bois qui se tasse Attachés de plus en plus fort. Quand elle bouge, je me tords. Quand elle geint, mon rêve passe. Dans les pays où elle s'endort Elle m'est chevillée au corps. Il faudrait l'arracher d'abord.
Elle m'est chevillée au corps. Plus loin encore Qu'elle s'en aille Un corps étranger de chaleur M'a fait au cœur Comme une entaille.
Ne m'dites pas qu'à ma place Il suffit de baisser les yeux Pour passer une nuit aux cieux D'autant plus que j'habite en face. La brune verra dans ma glace Une trace de cheveux blonds. La rousse verra sur mon front Une image qui se déplace. Dans les pays où elle s'endort Elle est imprimée sur mon corps. Il faudrait l'effacer d'abord.
Elle s'est ancrée dans mon corps Et, depuis lors Quand elle s'évade Comme elle vide toute l'eau Sous mon bateau Je suis en rade.
Ne m'dites pas qu'à ma place Le moindre vide se remplit De la première fille-pluie De la première ondée qui passe. Laissez mon port à marée basse Et mon bateau bien amarré. Je rêve d'un raz de marée Jeté sur les rives d'en face Dans les pays où elle s'endort Elle s'est ancrée dans mon port. N'allez pas la noyer, de grâce De grâce.